C'est la saison qui veut ça. Comme chaque année à cette période de l'année, la Ligue bruisse de rumeurs plus ou moins fondées sur d'éventuels retours de vieilles gloires à la retraite. Cette fois pourtant, il ne s'agit pas de vagues élucubrations fondées sur un retour à la salle remarqué ou sur des propos lâchés par un entourage en mal de lumière. A en croire un émouvant article paru cette semaine dans les colonnes du Seattle Times, Shawn Kemp est sur le chemin du retour. A 35 ans, l'ancienne vedette ses Sonics entend retrouver sa splendeur passée. Revenir pour pouvoir partir en beauté.
Shawn Kemp veut retrouver la lumière.
Il avait quitté la Ligue dans l'anonymat. Au printemps 2003. Après une ultime prestation fantomatique, un ultime match disputé avec le Magic, dernière formation à lui avoir fait confiance, "Reign Man" devait abdiquer. A cours de forme, bedonnant, au point de ne plus pouvoir se regarder dans la glace, Shawn Kemp était poussé vers la sortie, ses trois dernières saisons –deux à Portland et une à Orlando- ayant le plus clair du temps tourné au pathétique. Ses 6,5 points et 4,4 rebonds de moyenne en attestent. L'heure de la répudiation avait sonné. Celle de la crucifixion à 33 ans. La faute à des problèmes récurrents d'alcool et/ou de drogue, selon ses envies.
Depuis, son nom n'avait été évoqué que par quelques nostalgiques de la période dorée des Sonics ou n'était apparu qu'à la rubrique faits divers comme ce fut le cas au printemps dernier pour un contrôle de police au cours duquel il fut surpris avec un ami en possession de marijuana, de cocaïne et d'un pistolet non enregistré. Vue de loin, Shawn Kemp refusant tout contact avec la presse, la descente aux enfers de l'ancien prodige de la Ligue semblait donc se poursuivre.
A 90% de ses capacités
Pourtant, à en croire l'intéressé, cette nouvelle incartade avec la justice, synonyme de cinq jours de maison d'arrêt, l'ancien prodige de la Ligue n'étant finalement reconnu coupable que pour la seule possession de marijuana mais niant en avoir consommé, fut salvatrice, voire (re)fondatrice. Car si l'idée d'un retour lui trottait bien à l'esprit depuis plusieurs semaines, elle ne se matérialisait guère au quotidien. Ainsi tandis qu'il assure que le plus dur fut la sensation d'avoir trahi des enfants avec qui il avait parlé deux jours auparavant, il reconnaît que cet épisode judiciaire fit office de catalyseur. "Je travaillais déjà dur, je considérais la possibilité d'un retour, mais cette arrestation a tout remis en place." assure-t-il dans le Seattle-Times.
Depuis, Shawn Kemp s'astreint à un entraînement physique intensif, à coup de joggings, poids aux mollets sur les collines cernant la demeure familiale à Houston, de séances de musculation dans un garage aux faux-airs de sauna tellement il y fait chaud, de séances de travail au gymnase avec Roberto Carmenati, son entraîneur personnel. Et le résultat semble patent. Envolés les bourrelets et le double menton, Shawn Kemp paraît affûté comme à ses plus beaux jours, affichant 127 kilos sur la balance après avoir approché les 150 et inquiété ses entraîneurs dans ses mauvaises années. A tel point que Carmenati affirme "il est à 85-90% de son niveau de 1996."
Un retour, mais où?
1996, sa plus belle année. Achevée en Finals face aux Bulls. Chicago l'avait certes emporté dans le sillage d'un Michael Jordan au sommet de son art, mais Shawn Kemp avait marqué les playoffs de son empreinte, George Karl, alors entraîneur des Sonics affirmant "Lors des Finals, il avait été le meilleur sur le parquet. Personne ne peut le nier". "Reign Man" semblait innarrêtable. Pourtant, à l'été 97, après avoir signé préférentiellement Gary Payton et Jim McIlvaine, Seattle se sépare de Kemp, jugé trop gourmand et dont les relations avec Karl et les dirigeants de la franchise ne sont plus au beau fixe. Envoyé à Cleveland dans un "sign and trade" à trois, il continue certes sur sa lancée dans l'Ohio, mais quelque chose s'est cassé, la période d'inactivité liée au lock-out achevant de le casser avec des excès en tout genre.
Et Shawn Kemp aujourd'hui de regretter son départ des Sonics. "Je n'ai que de l'amour pour Seattle" lance-t-il. Au point d'y espérer un retour. "Il ne faut jamais dire jamais." souffle-t-il. Car peut importe son point de chute, le joueur, six fois all-star, évoquant même l'Europe. Le plus important, c'est de retrouver les parquets, d'avoir une dernière chance pour partir la tête haute et laisser un autre héritage, de prouver qu'il a changé, de montrer qu'il appartient toujours à l'élite, de pouvoir prétendre au Hall of Fame et de changer l'opinion du public à son endroit. Et surtout de se retrouver lui-même. Ses propos s'emballent. "Les gens ne savent pas qui je suis, je mérite une chance." se persuade-t-il. La NBA l'entendra-t-elle?